École Saint-Havre, 15 juin 2025. Une journée ordinaire… jusqu'à ce qu'elle ne le soit plus.Lilie traçait des spirales dans son cahier, ignorant le bourdonnement de la classe. Le soleil de l'après-midi filtrait à travers les fenêtres, jetant des ombres paresseuses sur les bureaux. Mme Dubois, la prof de littérature, disséquait un poème, sa voix monotone noyée par les chuchotements des élèves. Lilie n'écoutait pas. Elle n'écoutait jamais vraiment. Pas depuis ce jour, six ans plus tôt, quand tout avait changé.Un bip strident déchira l'air.Tous les téléphones s'allumèrent d'un coup, comme obéissant à un ordre invisible. Les écrans clignotaient en rouge, affichant un message qui fit s'arrêter le cœur de Lilie : "Êtes-vous prêts à jouer au Jeu du Loup ?"Un silence glacial s'abattit. Lauric, deux rangs devant, éclata d'un rire nerveux. "C'est quoi ce délire ? Un prank ?" Il tapota son écran, mais le message restait figé, comme gravé dans le verre.Élyvane, assise à côté de Lilie, serra son téléphone contre elle, ses yeux écarquillés. "C'est pas normal… Pourquoi tous les téléphones en même temps ?"Lilie ne répondit pas. Ses mains tremblaient, ses souvenirs remontant comme une vague toxique. Elle avait vu ce message avant. À 10 ans, dans une autre école, avec d'autres amis. Des amis qui n'étaient plus là. Le Jeu du Loup n'était pas un jeu. C'était une sentence."Regardez les portes !" lança Amaréline, debout près de la fenêtre. Sa voix, habituellement si arrogante, tremblait. Les portes de la classe, ouvertes il y a un instant, s'étaient refermées d'un coup. Un claquement résonna dans le couloir, puis un autre, comme si l'école entière se verrouillait.Clarent, toujours plongé dans son carnet, releva la tête. "Ce n'est pas un virus," dit-il, sa voix étrangement calme. Il montra son écran à Lilie. "Le message n'est pas une notification. Il est intégré au système. Comme si le téléphone n'était plus le nôtre."Lauric bondit de sa chaise, ignorant les protestations de Mme Dubois. "Faut sortir d'ici !" Il tira sur la poignée de la porte, ses muscles tendus. Rien. "C'est bloqué !"Un rire d'enfant, aigu et déformé, éclata dans les haut-parleurs de l'école. Les élèves sursautèrent. Une comptine tordue s'éleva, comme chantée par une voix venue d'ailleurs :Promenons-nous dans les bois,
Pendant que le Loup n'y est pas…
Trouvez le sourire caché, mes amis,
Ou le Loup viendra, oui, oui, oui !Élyvane agrippa le bras de Lilie, ses ongles s'enfonçant dans sa peau. "Lilie… c'est quoi, ça ?"Lilie fixait la fenêtre. Dehors, une ombre vacillante se dessinait dans la cour. Elle n'avait pas de forme nette, comme un dessin à la craie noire, mais elle bougeait. Ses contours tremblaient, et deux yeux brillants, comme des billes de verre, semblaient la fixer, elle. Elle murmura, la gorge sèche : "Ne regardez pas."Mais Élyvane, hypnotisée, ne pouvait pas détourner les yeux. "Ils… ils savent qu'on est là…""Arrêtez de paniquer, c'est ridicule !" lança Amaréline, repoussant une mèche de cheveux. Mais sa voix trahissait sa peur. "C'est une caméra cachée, non ?"Clarent referma son carnet d'un geste sec. "Non. La comptine donne une instruction : 'Trouvez le sourire caché.' On doit chercher. Maintenant."Lauric se tourna vers lui, furieux. "T'es sérieux ? Tu veux jouer à leur jeu débile ?""Si on ne joue pas," répondit Clarent, ses yeux sombres fixant le sol, "on meurt."Mme Dubois, figée derrière son bureau, bredouilla : "Calmez-vous, je vais appeler…" Mais son téléphone s'éteignit, l'écran noir comme une tombe.Lilie se leva, son cœur battant à tout rompre. Elle connaissait les règles. Elle les avait apprises dans le sang, quand elle avait perdu tout ce qui comptait. Le Jeu du Loup était une chasse orchestrée par les Ombres Joueuses, des créatures d'un autre monde qui se nourrissaient de peur. Et elles étaient revenues pour elle."Écoutez," dit-elle, sa voix tremblante mais ferme. "On doit trouver ce 'sourire caché' avant que la comptine s'arrête. Sinon, elles entreront.""Elles ?" répéta Amaréline, croisant les bras. "Tu sais quelque chose, Lilie. Crache le morceau."Lilie serra les lèvres. Elle ne pouvait pas leur dire qu'elle avait déjà joué. Qu'elle avait survécu en abandonnant quelqu'un. Pas encore.La comptine s'arrêta. Le silence était pire. Puis, un craquement résonna derrière la vitre. L'ombre dehors s'était rapprochée, juste de l'autre côté de la fenêtre. Ses yeux de billes fixaient Lilie, et un sourire tordu, comme tracé à la craie, s'étira sur son visage difforme.Élyvane hurla, reculant contre le mur. Lauric attrapa une chaise, prêt à frapper. "C'est quoi ce monstre ?""Une Ombre Joueuse," murmura Lilie. "Et elle veut jouer."Clarent scanna la pièce, son regard acéré. "Le sourire caché… c'est ici. Cherchez un dessin, un symbole, n'importe quoi !"Les élèves se dispersèrent, fouillant les bureaux, arrachant les posters. Amaréline resta immobile, fixant Lilie. "Tu caches quelque chose," murmura-t-elle. "Et je vais trouver quoi."Lilie ignora ses mots, son regard balayant la classe. Elle s'arrêta sur le tableau noir. Là, à peine visible dans la poussière de craie, un sourire tordu était dessiné, comme par une main d'enfant. Son sang se glaça. "C'est là !"Mais avant qu'elle puisse bouger, la vitre explosa. L'Ombre Joueuse glissa à l'intérieur, son rire résonnant comme une comptine brisée
A suivre...