Ares passa plusieurs jours sur la Forge Éternelle, observant les Forgerons à l’œuvre. Leurs machines, alimentées par une énergie qu’il ne comprenait pas encore, pouvaient tisser des réalités entières, comme un tailleur cousant une étoffe. Il feignit l’intérêt, posant des questions, glanant des informations, tout en calculant comment leur technologie pourrait servir ses propres ambitions.
« Vous savez », dit-il un soir, assis sur une plateforme flottante face au chef des Forgerons, un colosse nommé Kryon, « votre travail est impressionnant, mais un peu… limité. Vous construisez des mondes, mais qui les contrôle ? »
Kryon le fixa, ses yeux mécaniques clignotant. « Les mondes que nous créons sont autonomes. Ils évoluent selon leurs propres lois. »
Ares éclata de rire. « Autonomes ? Allons, Kryon, ne me dis pas que tu crois à ces fadaises. Tout pouvoir a besoin d’une main pour le guider. Et je suis très doué pour guider. »
Kryon inclina la tête. « Tu parles comme un conquérant. »
« Un conquérant ? » Ares feignit l’offense, posant une main sur son cœur. « Je suis un visionnaire. Imaginez ce que nous pourrions accomplir ensemble. Vous construisez, je… supervise. »
Et je prends ce que je veux, ajouta-t-il dans ses pensées.
Kryon resta silencieux un moment, puis répondit : « Nous ne collaborons pas avec ceux qui portent la marque de la destruction. »
Ares plissa les yeux. Encore cette foutue marque. « Vous savez, tout le monde semble obsédé par cette histoire de destruction. Et si je vous disais que je peux aussi créer ? » C’était un demi-mensonge, mais il savait qu’il pouvait manipuler leur technologie pour imiter la création.
Kryon sembla réfléchir. « Prouve-le. Crée quelque chose. »
Ares sourit. Facile. Il tendit la main, et une sphère d’énergie pure apparut, tourbillonnant comme une étoile naissante. Les Forgerons reculèrent, impressionnés. Ce n’était pas de la création, bien sûr – juste une manipulation de l’énergie ambiante – mais ils n’avaient pas besoin de le savoir.
« Alors ? » demanda Ares, jonglant avec la sphère comme un jouet. « On fait affaire ? »
Après avoir convaincu les Forgerons de lui donner accès à l’un de leurs portails expérimentaux, Ares quitta la Forge Éternelle, emportant avec lui un fragment de leur technologie : un cristal qui, selon Kryon, pouvait stabiliser les voyages interdimensionnels. Il ne leur avait pas dit qu’il l’avait pris, bien sûr. Pourquoi compliquer les choses ?
Ils apprendront à ne pas faire confiance à un paria, pensa-t-il, riant intérieurement.
Le portail l’emmena dans une galaxie où les étoiles étaient vivantes, des entités conscientes qui chantaient des mélodies capables de rendre fou un esprit moindre. Ares, avec son sang-froid inégalé, les ignora et se concentra sur une planète qui pulsait comme un cœur. À son arrivée, il fut accueilli par une race d’êtres végétaux, les Sylvaris, qui l’adorèrent comme un dieu à cause de son aura destructrice.
« Enfin des gens qui savent reconnaître la grandeur quand ils la voient », plaisanta-t-il, s’adressant à une foule de Sylvaris prosternés. Mais même leur adoration l’ennuya rapidement. Il voulait des défis, des mystères, pas des fidèles.
C’est alors qu’il sentit une perturbation. Quelque chose – ou quelqu’un – observait le multivers, une présence si vaste qu’elle rivalisait avec la sienne. Pour la première fois, Ares sentit un frisson d’incertitude. Qu’est-ce que c’est que ça ? pensa-t-il. Mais il repoussa cette pensée. Il était Ares, le paria, l’inarrêtable. Rien ne pouvait l’effrayer.
Pas encore.